Intrigués par l’expérience de Patrick Timsit dans l’émission « Rendez-vous en terre inconnue » d’il y a une dizaine d’années, nous sommes allés à rencontre du peuple Mentawaï afin de passer quelques jours avec eux.
L’expérience se mérite: il faut d’abord rejoindre l’île de Siberut à 5 heures de mer à l’est de Sumatra,
A l’arrivée, un quart d’heure à l’arrière d’un scooter pour rejoindre le magasin général du port afin d’acheter le tabac (en quantité!) que nous apportons en cadeau à la famille qui va nous accueillir et surtout les bottes en caoutchouc dont nous découvrirons bientôt combien elles sont essentielles.. .
Puis on charge nos sacs étanches sur une pirogue pour remonter pendant 2 heures la rivière sans se tromper enotre ses différents bras,
L’accueil au ponton est chaleureux mais trompeur,
en effet il nous faudra encore crapahuter deux bonnes heures dans la jungle équatoriale extrêmement humide en équilibre sur les troncs du chemin en évitant de nous enfoncer jusqu’aux genoux dans une boue rappelant les sables mouvants…
Trempés par les averses tièdes (nous sommes sous l’équateur) nous arrivons enfin à la maison commune cernée par la végétation.
Construite sur pilotis, ouverte sur la forêt, avec une grande salle où l’on dispose nattes et moustiquaires pour la nuit, avec deux foyers à l’arrière: il s’agit d’une Uma, permettant d’accueillir plusieurs générations (plus 4 chiens, 2 chats, les poules à l’occasion, tandis que les porcs se baladent en dessous…)
La maison est joliment décorée avec des crânes de singe permettant de conserver leurs esprits bénéfiques.
La bonne d’implantation d’une maison Mentawaï implique la proximité immédiate de la rivière ainsi que beaucoup de forêt pour laisser ses animaux s’y nourrir. Il n’y a donc pas de village en tant que tel, mais des maisons indépendantes espacées à 15 mns de marche environ (pour eux, car il nous faut pratiquement le double!)
Et oui, les Hommes-Fleurs résistent aux pressions de la modernité et préservent leur savoirs, leur culture et leur liberté!
Ils se parent de fleurs fraîchement coupées et arborent fièrement leurs tatouages traditionnels, sans quitter leurs longs coupe-coupe ni leur arc dès qu’ils se déplacent en forêt.
Ces indiens Mentawaï ont fait le choix délibéré de continuer à vivre libre de manière traditionnelle dans la forêt afin de conserver leur autonomie quasi complète:
. les fruits sont omniprésents. Nous sommes en pleine saison de durians, ces fruits au parfum si fort qu’ils sont interdits dans les hôtels et les avions. Tout le monde en raffole sauf Frédérique hélas!…
. L’arbre Sago fournit une pulpe farineuse nourrissante, cuite dans des feuilles de palme. Un seul arbre suffit à alimenter une famille pour plus d’un mois!
. Il ne reste plus beaucoup d’animaux sauvages (qu’ils chassent depuis toujours) mais des porcs qui nettoient les abords de la maison, des poules que l’on nourrit d’un tronçon sago qu’elles picorent allègrement.
Et puis on obtient un complément appréciable de protéines avec les gros vers jaunes qu’il faut savoir trouver dans les souches pourries de l’arbre sago (toujours lui!).
Cuits au feu de bois en brochette, ils ont un goût de lard grillé…
Les femmes confectionnent des filets permettant d’attraper des petits poissons sous les racines à la rivière.
Côté vêtements, pas de problème non plus: un arbre spécifique fournit une écorce souple dont on va assouplir les fibres à grands coups de battoir, puis que l’on va laver à grande eau, essorer et faire sécher.
On se retrouve ainsi avec une longue bande de tissu végétal qui, habilement nouée, constitue un élégant cache-sexe / pagne du meilleur effet!
Pas d’électricité, pas de communications, pas de télévision, pas de smart phones: donc peu de tentations!
L’achat extérieur le plus important est, hélas, le tabac qu’ils consomment abondamment tout au long de la journée. Il s’agit maintenant d’une coutume sociale essentielle: toute rencontre, tout palabre est ponctué par un échange de cigarettes, que l’on fume ensuite intensément.
Nous nous interrogeons toujours sur l’authenticité et l’impact de nos séjours ethno-touristiques.
En l’occurrence, notre impact est léger car très peu de touristes s’aventurent jusque là, ainsi notre famille ne recevra moins d’une dizaine de visiteurs durant l’année. Ces visites, avec la vente des porcs au village du port, sont une source de revenu bienvenue qui leur permet de conserver leur liberté.
L’authenticité de notre expérience est forte car leur mode de vie ancestral est réellement préservé en leur assurant un quotidien serein et épanoui. Et puis, en cas de souci de santé grave et pour l’éducation des enfants, il y a toujours la maison des membres du clan qui ont choisi la vie « moderne » au village structuré par le gouvernement à deux heures de pirogue.