Au Japon existe depuis le début du 17ème siècle, une longue tradition folklorique de théâtre de grandes marionnettes, le Bunraku.
Alors qu’à Osaka et à Kyoto, les troupes de marionnettistes se produisaient dans des théâtres bien éclairés, avec de riches décors et de nombreux panneaux coulissants, les petites troupes de l’île de Shikoku étaient parfois réduites à des couples ambulants qui montaient leurs spectacles dans des villages perdus, sur des estrades éclairées par quelques lanternes.
Aussi, l’art folklorique du Bunraku prit une inflexion particulière sur l’île de Shikoku, très apprécié dans la région de l’Awa.
Tout en conservant les fondamentaux du Bunraku : narration dramatique jouée par de grandes poupées articulées, accompagnée par la voix mélodieuse d’un récitant sur fond de musique de shamisen ( sorte de guitare à 3 cordes), la nécessité de s’adapter aux contingences de l’île a engendré des spécificités qui a crée un nouveau Théâtre appelé Awa Ningyo Joruri.
En effet, pour compenser le manque de luminosité des scènes rurales et le jeu en exterieur, les marionnettes ont été modifiées en conséquence afin d’accentuer l’emphase des textes qui relataient les malheurs du quotidien des gens du peuple à l’époque Edo , (bien plus dramatiques que ceux de Kyoto avec ses drames amoureux de cours impériales).
Pour mieux etre vues, les têtes sont plus grosses, d’un bois plus léger, laquées pour mieux capter la faible lumière, fixées sur un bâton avec un angle pour qu’elles puissent être secouées plus énergiquement et que les effusions émotives soient plus clairement perçues,
elles peuvent fermer leurs yeux, hausser les sourcils, ouvrir la bouche afin d’exprimer le plus de nuances possibles dans leurs expressions.
Il y a même le modèle » Gabu » qui transforme une jolie jeune fille en horrible démon.
Et surtout, chacune de ces marionnettes est articulée par trois manipulateurs vêtus entièrement de noir dont on oublie assez rapidement l’existence!
La fierté de Tokushima est de continuer à perpétuer cette tradition de marionnettes articulées en continuant de les fabriquer à l’ancienne et de les réparer pour tout le Japon,
et surtout de produire des représentations de pièces fort connues.
Nous nous sommes laissés émerveiller par ce spectacle et cet art de donner vie à des poupées de bois, happés par la grandiloquence du drame, en complet lâcher-prise face à ce condensé de performance et de sensibilité japonaise.