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Nicaragua: Délires & Dictatures

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L’Histoire du Nicaragua est plutôt violente et mouvementée, et l’ingérence des États-Unis y a joué un rôle prédominant. Sans faire de l’antiaméricanisme primaire, le Nicaragua est une incroyable illustration de manipulations.

Dès le milieu du XIXème siècle, fait historique incroyable, 120 américains débarquèrent au Nicaragua, commandés par un flibustier, William Walker, qui se proclama Président du pays. Son objectif était d’étendre le territoire destiné au système d’esclavage qui était sur le point d’être aboli dans l’Union! Heureusement, Walker fut vaincu l’année suivante par les armées alliées de toute l’Amérique Centrale.

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Au début du XXeme siècle, les États Unis n’en restèrent pas à leur coup d’essai et occupèrent à nouveau militairement le Nicaragua pour chasser le Parti Libéral au pouvoir.
La nouvelle occupation américaine fut héroïquement combattue par Augusto C. Sandino, Général d’origine paysanne. Malheureusement pour Sandino, les américains, avant de quitter le territoire, avaient mis en place une Garde Nationale commandée par Anastasio Somoza, qui fit assassiner le leader guérillero.

A partir de 1936, Anastasio Somoza concentra progressivement tous les pouvoirs: militaire, politique et économique et établit au Nicaragua, par des repressions violentes, une dictature népotique avec ses deux fils qui lui succédèrent.

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La dynastie Somoza s’accapara environ 40% de l’économie du pays au travers des terres et des industries.
Pendant cette période, le Nicaragua est fermement anti-communiste et un fidèle allié des États-Unis, jusqu’à la prise du pouvoir par les rebelles du Front Sandiniste de Libération (FSL) inspiré par le héros Sandino en 1979.

S’ensuivit alors un rapprochement avec Cuba et l’URSS au grand dam des États-Unis qui craignaient que ce ré alignement ne fasse tâche d’huile en Amérique latine.
Le sandiniste Daniel Ortega, qui fut élu ensuite à la présidence, dut composer à la fois avec un embargo économique américain et une guérilla armée financé par les États-Unis (encore!).

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Aussi dans ce contexte, l’adoption d’un modèle de développement socialiste marxiste, en pleine crise économique, s’avèra difficile et fatale à sa réélection.

Ce n’est qu’en 2006, que Daniel Ortega revint au pouvoir, toute idéologie marxiste évanouie.
Des 2010, un journaliste nicaraguayen dénonçait dans un article paru dans Courrier International, une subordination des institutions de l’Etat encore plus profonde que celle qu’avait réalisée Somoza, parce qu’à l’époque le pouvoir judiciaire conservait un certain degré d’indépendance.

Aujourd’hui, toutes les institutions – justice, élections, parquet, inspection des finances, droits de l’homme – sont soumises à la volonté de toute-puissance d’Ortega.

De plus, ce journaliste avait pressenti que Daniel Ortega allait développer un culte de la personnalité si outrageux qu’il en est devenu extravagant, comme nous avons pu en témoigner.

Les ressorts de la communication sont simples et efficaces:

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1. une extensive campagne d’affichage
Le Président seul ou le couple de Daniel Ortega et sa femme Rosario Murillo apparaissent sur des panneaux de très grand format, tout au long des routes principales.

2. un slogan de rassemblement
 » Chrétienne, Socialiste, Solidaire »
Et des heures de discours politique à la Fidel Castro

3. une proximité étudiée avec la population
Jamais on ne cite Ortega dans la presse (dont il détient la majorité) comme Monsieur le Président, mais c’est par son prénom « Daniel » qu’il est fait référence. La figure paternaliste est savamment cultivée : quand le Nicaragua reçoit une aide internationale, c’est « Daniel » qui re distribue ensuite une partie des fonds, sans en indiquer l’origine étrangère bien-sûr …

Sur les affiches, sa femme est habillée en baba cool avec bagues et bracelets type peace and love avec un sourire bienveillant qui cache une redoutable femme d’affaires.

4. une référence constante à Augusto Sandino, libérateur du Nicaragua et martyr de l’impérialisme américain ce qui permet une fusion totale du parti sandiniste et du pouvoir présidentiel.  Sa silhouette est omniprésente.

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Le FSL s’affiche partout: son drapeau noir et rouge flotte côte à côte avec celui du Nicaragua, y compris sur les bâtiments officiels et la majorité des poteaux télégraphiques et pylônes dans les campagnes est peint en noir et rouge. C’est du bourrage de crâne peu cher et efficace.

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5. l’exaltation de la fierté nationale en se référant au célèbre poète Ruben Dario
Enfant prodige de Leone et grand amateur de littérature française, Ruben Dario parcourut le monde en tant que diplomate, journaliste et écrivain et surtout rédigea un poème dont un vers est répété à l’envie:
« Le Nicaragua est un petit pays aux grands rêves »

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6. Délirer en grand format
Rosario Murillo a ajouté une dimension mystique et ésotérique étonnante à leur exercice du pouvoir, ainsi elle a dessiné un nouveau symbole mystérieux et coloré pour le Parti.

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Depuis peu, elle a décidé d’embellir la vie des nicaraguayens avec des couleurs de l’arc en ciel: aux couleurs traditionnelles noir et rouge des fameux poteaux s’ajoutent des couleurs de « joie » .
Le Must réside dans son délire d’implanter de gigantesques Arbres de Vie en métal de 10 mètres de haut de toutes les couleurs et qui s’illuminent la nuit.

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Quand on sait que le Nicaragua est le second pays le plus pauvre d’Amérique Centrale, que chaque arbre coûte 28 000 dollars et qu’il consomme autant qu’un pâté de maisons, ça donne plutôt envie de pleurer!

2 Commentaires

  1. Ces arbres paraîtraient sympas si on ne lisait pas les explications…….
    Bonne suite de voyage

  2. Excellent résumé de la situation politique au Nicaragua. Je complète avec un bout de conclusion qui est que les élections présidentielles ont lieu en cette fin d’année, et qu’on verra si ce bourrage de crane (plus une probable fraude électorale) porte ses fruits.
    Il existe néanmoins une opposition qui barbouille les affiches là où elle le peut et un bout de presse pas encore totalement inféodée (La Prensa si ma mémoire n’est pas trop embrouillée par le canard et le roquefort).
    Avez-vous vu que le Telica s’est fâché?
    Profitez-bien des coraux et du rythme du Bélize