CURIEUX DU MONDE

L'étranger est un ami que l'on n'a pas encore rencontré.

Impressions Omanaises

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Ce voyage nous a fait comprendre la position géostratégique de ce pays au cours de sa longue histoire maritime.

C’est le pays de la péninsule qui présente la plus longue façade côtière sur la mer d’Arabie, sans nécessité pour les bateaux de pénétrer dans la Mer Rouge pour atteindre l’Arabie Saoudite ou le Golfe Persique pour les Émirats.
Pendant des siècles, Oman a bénéficié de cette voie maritime directe entre l’Afrique, l’Inde et la Chine qui lui a permis de commercer autant avec des comptoirs en Afrique de l’Est et Zanzibar pour le trafic d’esclaves qu’avec l’Inde pour ses épices ou la Chine pour ses céramiques.

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Ces échanges marquent encore le pays culturellement dans son artisanat et sa cuisine.
Toutefois, l’impact sera infiniment plus significatif avec une arrivée massive de milliers de pakistanais, bengalis et indiens autour des années 1970.
A cette époque, le nouveau sultan décida à son arrivée au pouvoir de faire sortir son pays de son ère moyenâgeuse en utilisant la manne du pétrole. Il va mener une politique de développement intense: mise en place d’une infra structure routière surdimensionnée dans tout le pays, création d’écoles et d’hôpitaux, « pacification » du pays par la présence de nombreux postes de police qui ressemblent à des casernes militaires et édification de grandes mosquées.

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Mais voilà: les Omanais d’il y a cinquante ans, sont des gardiens de chèvres ou des agriculteurs, et peu d’entre eux sont capables de soutenir ce développement radical.
Le Sultan va résoudre cet obstacle par ce flux massif de ressources humaines: les indiens pour la matière grise et les autres pour la main d’œuvre.
Ces étrangers n’auront jamais qu’un visa de travail, ne pourront pas accéder à la propriété ni à la nationalité et ne bénéficieront pas de la gratuité de l’éducation ni des soins médicaux.
En revanche, les Omanais, compétents ou pas, seront essentiellement employés dans les administrations et vivront de leurs rentes foncières puisqu’ils restent seuls propriétaires et que les étrangers sont dans l’obligation de louer.
Une discrimination claire, simple et sans ambiguïté . Tout ce qui s’affaire (commerçants, restaurateurs, manœuvres, ouvriers agricoles) est étranger.

Ce double système économique et social confère aux Omanais un éden fictif dont l’avenir à court terme semble condamné. En effet, leurs ressources pétrolières, qui déjà étaient initialement faibles en comparaison aux pays voisins, devraient s’épuiser à l’horizon d’une vingtaine d’années.

Comment ces privilégiés omanais vont prendre en main la situation?
Comment ces hyper infrastructures vont elles se rentabiliser, pourquoi poursuivre une viabilisation intensive du territoire et du désert avec un nombre de population insuffisante pour y habiter, quelles sont les raisons de ce maillage de gigantesques postes militaires déguisées en postes de police, quels vont être les schémas économiques post-Pétrole?…
Beaucoup de questions restent en suspens dont nous n’avons pas trouvé de réponses pour la plupart.
Certes, l’ambition d’établir un port d’envergure mondiale sur la mer d’Arabie est en cours de réalisation et concurrencera probablement sévèrement Dubai puisqu’Oman contrôle en partie le Détroit d’Ormuz à l’entrée du Golfe Persique.
Ce retour à la grandeur maritime du Sultanat va certainement booster l’économie tout comme l’accent mis sur le développement touristique ; cependant l’organisation Omanaise devra inexorablement s’adapter à cette ouverture sur le monde.

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Quant à la question de la place de la femme omanaise, le sujet est plus que délicat.
Nos yeux d’Occidentaux se révoltent de voir ces femmes voilées de noir de pied en cap et, telles des « Fantômes Belphégors », suivre à deux ou trois leur fier mari, élégamment vêtu de sa longue robe blanche (dishdasha) immaculée et coiffé d’une kumma (toque blanche aux motifs pastels).

Deux origines identifiées à cette tenue complète du niqab: l’intransigeance religieuse wahhabite d’Arabie Saoudite qui s’est implantée dans une seule région particulière d’Oman et la longue tradition bédouine qui veut protéger leurs femmes des rapts des clans ennemis. Les bédouines portent systématiquement leur masque et toute présence étrangère même féminine leur semblent hostile.

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Il n’en reste pas moins que presque toutes les femmes portent à l’extérieur de leur maison une abaya noire (ample robe qui traîne sur le sol pour cacher aussi les pieds) ainsi qu’un voile qui dissimulera tout ou partie du visage.

Un Imam fort distingué ( éduqué en Angleterre et expatrié quelques années à l’étranger) m’expliquera avec un prosélytisme discret que la religion ibadite pratiquée à Oman est très tolérante – ce qui est relativement vrai- . Avec quelques pertinents versets du Coran, il justifiera l’importance pour tout croyant de porter une tenue humble, et combien la femme ainsi vêtue est libérée de la séduction qu’elle pourrait involontairement exercer sur les hommes. Ainsi la personnalité de la femme omanaise peut pleinement s’exprimer sans aucune interférence.

Quel parfait sophisme!

Empêcher la femme d’avoir un quelconque droit à être physiquement identifiée et reconnue dans ses relations sociales avec l’extérieur équivaut à en faire une non-personne.
La femme ne s’appartient pas.
D’ailleurs l’enjeu économique n’est pas neutre puisque ce sont les hommes qui versent de l’argent à la future épouse et à sa famille pour le mariage. La future épouse investit cet argent dans des bijoux en or qui pourront la faire survivre si elle est répudiée.
Il ne s’agit donc pas pour le mari de se faire déposséder de son bien et tel un trésor il faut le cacher. Pour information, le cours de la femme dans les montagnes Hadjar est de 5 000€ et plus de 10 000 pour une femme de la ville.

Après cette déprimante nouvelle, j’ai pu lire un magazine édité par la Chambre de Commerce de Muscat, vantant le dynamisme de l’entreprenariat féminin. Même si les articles étaient bien trop élogieux, ils me réconfortaient dans l’espoir que la situation évoluait: la femme omanaise peut quand même travailler, conduire, être même militaire.
Cette pseudo félicité s’interrompit net lorsqu’une longue conclusion de la revue encensa la femme-mère sans laquelle aucune réussite pour l’homme omanais et du pays lui-même ne peut s’envisager sans son dévouement entier et total à la famille.

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Que penser? La libération de la femme omanaise sera-t-elle ou ne sera-t-elle pas?

Commentaires Clos.