T’es une soussou! me disait ma mère.

Une soussou?

Oui, ce sont les gens de Conakry!!!

 

 

Je suis née à Conakry en Guinée, alors pourquoi pas?  On dit bien dans les familles qu’une telle est montpelliéraine même si elle y est née pour repartir quelques mois plus tard …. alors une soussou oui, pourquoi pas?

Enfant, mes souvenirs d’Afrique sont fabriqués par des récits et des photos.

De toutes petites photos de Conakry, couleur sépia et aux bordures dentelées:

         

La Chambre de Commerce, la Résidence , le Gouvernement! … que des bâtiments officiels, coloniaux, à la mesure de l’engagement de la France en Guinée et des français, comme mes parents, qui y croyaient, en ce pays. Ce qu’ils voulaient, c’était  y recommencer leur vie.

Puis, il y avait la photo, tout aussi minuscule, de la Corniche:

celle-ci était spéciale parce que ce qui m’intéressait se passait hors du cadre. Derrière les derniers palmiers de la promenade… là bas…, il fallait imaginer la maison de mes parents, peinte en jaune et violet aux couleurs du magasin.

Le magasin avec un grand « M »:  une affaire de fleurs.

Créer  un vrai magasin de fleurs au centre de Conakry pour que les européens reprennent de France l’habitude de marquer les événements du cours de leur vie en offrant des fleurs.

   

Mais ce n’est pas tout!

C’était aussi importer de Hollande des bulbes de tulipes et les cultiver à Conakry.

En retour, exporter dans la froidure de l’hiver de l’Europe les fameuses tulipes accompagnées de beaux spécimen de fleurs exotiques aussi appelés les Oiseaux du Paradis.

Et le tout , s’il vous plait, embarqué dans des réfrigérateurs de fortune dans des  avions cargo. Fallait y penser!

Là je me suis inventée une mémoire pleine de senteurs… Pour ma naissance, des fleurs et des fleurs plein le berceau.

Conakry, c’est aussi des robes de bal portées par Maman, dignes des plus beaux contes de fées et en plus avec des chaussures dorées!           .  ..sur lesquelles je me juchais enfant pour faire la reine.

 

 

 

 

 

 

 

Pour faire bon poids dans la fabrique des souvenirs, les anecdotes de brousse: les yeux jaunes des crocos dans la nuit, les éléphants qui ravagent les plantations, la terre rouge de la bauxite…

Ensuite rideau: départ avec perte et fracas dans les émeutes de l’Indépendance, quelques mois après ma naissance.

Malgré les photos, les histoires tantôt embellies ou au contraire dramatisées, les masques et les statuettes d’Afrique qui ont peuplé mon imaginaire, je n’ai jamais ressenti, ni enfant, ni jeune adulte, l’envie de revenir en Afrique Noire ou à Conakry.

Mais tel le saumon qui remonte le cours de Sa rivière, il semblerait qu’inexorablement l’individu se rapproche volontairement ou inconsciemment de son point de départ.

Quelques jours après la naissance de ma fille, je reçois de la part de ma mère une enveloppe contenant le papier à en-tête du magasin de Conakry:

Coup de tonnerre!

Ce prénom choisi du fond du cœur, avec le sentiment indicible du choix « juste » , sans savoir, du moins en croyant ne pas savoir… Comment est ce possible?

Dix ans plus tard, sans intention particulière, premier séjour en Casamance au Sénégal et là:  Révélation

La question n’est pas si j’aime l’Afrique, la constatation est que je m’y sens à ma place, que je suis en parfait équilibre avec cette nature, l’Afrique est mon berceau.

 

S’ensuit une orgie d’Afrique: Sénégal (6 fois), Namibie, Botswana, Afrique du Sud, Zimbabwe, Mozambique, Tanzanie, Zanzibar ….

Et la Guinée Conakry ?

Octobre 2013, peut-être?

Enfin!

La Soussou va retourner à sa source….